Rapport ONU

Ce rapport nous montre que l'affaire Maoloni/Antonini est loin d'être un cas isolé.Elle serait plutôt un exemple concret du "système" décrit par ce rapport. Spécialement les points 13 à 16 (en surbrillances)

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-neuvième session
Point 13 de l'ordre du jour provisoire


DROITS DE L'ENFANT:
Note présentée par M. Juan Miguel Petit, Rapporteur spécial sur la vente
d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant
des enfants, conformément à la résolution 2002/92 de la Commission
des droits de l'homme


Additif

Note préliminaire sur la mission en France (25-29 novembre 2002)*

Visite en France, du 25 au 29 novembre 2002, du Rapporteur spécial
sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants
et la pornographie impliquant des enfants

Note préliminaire

1. Le Rapporteur spécial, M. Juan Miguel Petit, s'est rendu en France (Paris, Saint-Étienne et Lyon) à l'invitation du Gouvernement français. Il avait souhaité effectuer cette visite après avoir reçu des informations au sujet d'un certain nombre d'enfants français qui seraient victimes de pédophilie et de pornographie. Il avait également reçu des informations au sujet des efforts que la France déployait pour faire face au problème croissant de la traite d'enfants et de la prostitution des enfants. Le Rapporteur spécial salue le degré très élevé de coopération et d'assistance dont il a bénéficié tout au long de sa mission et tient à en remercier le Gouvernement français.

2. Durant sa mission, le Rapporteur spécial a rencontré le Ministre délégué à la famille, l'Ambassadeur chargé des questions concernant les droits de l'homme, des représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice et du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le Président du tribunal pour enfants, le Président du tribunal de grande instance, la Défenseure des enfants, des policiers de la brigade des mineurs et de l'Office pour la répression de la traite des êtres humains, le Comité national français pour l'UNICEF et le Président de la Sous-Commission «Les droits de l'enfant» de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il a également visité un centre pour enfants à Chambon (Saint-Étienne) et rencontré des membres d'ONG et des universitaires s'occupant de questions pertinentes ainsi que des membres d'Interpol à Lyon. Il s'est en outre entretenu avec des représentants des médias français.

3. Le rapport intégral de la mission du Rapporteur spécial en France sera disponible durant l'été 2003 et sera présenté à la Commission des droits de l'homme à sa soixantième session, en 2004.

4. On trouvera ci-après les constatations, conclusions et recommandations préliminaires du Rapporteur spécial.

Au sujet de la vente d'enfants

5. Des enfants entrent en France ou transitent par ce pays avant de gagner d'autres destinations pour se livrer au vol, à la mendicité et à la prostitution. Un grand nombre d'entre eux sont victimes de la traite, tandis que d'autres voyagent de leur plein gré - certains tombant par la suite dans des rÚseaux de traite. La majoritÚ de ces enfants viennent d'Europe orientale - notamment de Roumanie - et d'Afrique de l'Ouest.

6. Le Gouvernement français s'emploie à œuvrer avec les gouvernements des pays dont sont originaires ces enfants. De bonnes relations de coopération ont été établies avec les autorités roumaines et les forces de police des deux pays œuvrent ensemble pour assurer la protection de tout enfant renvoyé en Roumanie.

7. S'agissant de l'adoption internationale, environ 3 000 enfants sont adoptés en France chaque année. La procédure régissant ces adoptions est devenue plus stricte, conformément aux obligations contractées par la France en vertu de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. La France ne semble pas touchée par le phénomène de la vente d'enfants à travers l'adoption.

Au sujet de la prostitution des enfants

8. Il semblerait que la prostitution connaisse une croissance rapide, mais l'utilisation régulière de mineurs est un phénomène relativement récent et une nouvelle législation a été adoptée dans le souci de faire arrêter les clients des enfants prostitués. Le Rapporteur spécial salue les efforts du Gouvernement français visant à s'abstenir de criminaliser les enfants concernés en les mettant en détention et reconnaît les difficultés qu'éprouve le Gouvernement à protéger de tels enfants contre une rechute dans la prostitution.

9. De nombreux enfants étrangers sont impliqués dans la prostitution. La plupart des enfants prostitués sont sous la coupe de proxénètes, dont certains vivent à l'étranger, d'où ils contrôlent la prostitution par téléphone portable, utilisant généralement un enfant plus âgé pour superviser les jeunes victimes.

10. S'agissant du tourisme sexuel à caractère pédophile, le Gouvernement français prend des mesures pour lutter contre les délits de ce type commis à l'étranger par des citoyens français. Il a ainsi adopté une législation d'application extraterritoriale pour accroître les chances d'arrêter et de traduire en justice les auteurs de tels délits. Tous les représentants du Gouvernement français à l'étranger ont reçu pour instructions de collaborer avec la police locale dans des affaires de ce type.

Au sujet de la pornographie impliquant des enfants et des sévices sexuels contre des enfants

11. Le Rapporteur spécial a reçu des informations selon lesquelles l'élaboration de matériel pornographique impliquant des enfants français était souvent liée à des sévices sexuels infligés à des enfants au sein du foyer. Il a reçu des allégations selon lesquelles des parents et des amis de la famille commettaient des sévices sexuels contre des enfants et, parfois, confectionnaient du matériel pornographique à partir de ces actes.

12. Le Rapporteur spécial a été informé de l'existence d'un CD-ROM contenant 8 000 images pornographiques et appelé CD-ROM «Zandvoort», du nom de la ville néerlandaise dans laquelle il a été découvert. Un certain nombre de parents français auraient vu des images de leurs enfants. Les autorités françaises ont examiné le CD-ROM et l'ont transmis aux autorités des autres pays qui à leur avis étaient concernés, mais ont conclu que ces images dataient des années 70. Toutefois, certains parents contestent cette conclusion, faisant valoir que certaines des photos contenaient des signes qui montraient clairement qu'elles avaient été prises récemment. Le CD-ROM n'a pas été officiellement présenté à Interpol pour un examen par des experts et pour une comparaison avec des images connues conservées dans une base de données, ce qui aurait vraisemblablement permis d'établir la date de prise de ces photos.

13. Le Rapporteur spécial ne considère pas que les sévices sexuels contre des enfants constituent un phénomène plus courant en France que dans d'autres pays européens. On constate toutefois que de nombreuses personnes ayant une responsabilité dans la protection des droits de l'enfant, en particulier dans le système judiciaire, continuent de nier l'existence et l'ampleur de ce phénomène.

14. Les personnes qui soupçonnent et signalent des cas de sévices à enfant peuvent se voir accuser de mentir ou de manipuler les enfants concernés et risquent des poursuites ou des sanctions administratives pour diffamation si leurs allégations n'aboutissent pas à des poursuites suivies de la condamnation de l'auteur présumé des sévices. En particulier, les professionnels de la santé encourent des risques dans ce domaine et rien n'indique que les médecins bénéficient de l'aide et du soutien du Conseil de l'ordre des médecins français.

15. Dans un nombre croissant de cas, un parent séparé, habituellement la mère, choisit d'amener l'enfant ou les enfants à l'étranger plutôt que de se conformer aux décisions d'un tribunal accordant des droits de visite ou attribuant la garde à l'auteur présumé des sévices, ce qui, à son tour, pourrait exposer l'enfant à de nouveaux sévices sexuels. Il est même arrivé que des juges et des avocats au courant des faiblesses du système judiciaire conseillent, officieusement, à certains parents d'agir de la sorte. Ces parents se trouvent donc sous la menace de poursuites criminelles pour leurs actes aussi bien en France que dans le pays où ils se rendent.

16. Le manque de ressources, de formation et de spécialisation dont souffrent les juges et les avocats s'occupant d'affaires de sévices sexuels contre des enfants fait que les droits de l'enfant impliqué dans des poursuites judiciaires ne sont parfois pas suffisamment protégés. Il s'ensuit que les enfants concernés risquent souvent de continuer à subir des sévices.

17. Il est certes possible que de fausses allégations de sévices sexuels contre des enfants aient été faites dans le cadre de procédures visant à attribuer la garde de l'enfant. Toutefois, le Rapporteur spécial, après avoir examiné les preuves concernant les affaires portées à son attention, a pu conclure que ces allégations étaient sérieuses et fondées et que la suite qui leur avait été donnée ne correspondait pas à l'intérêt supérieur de l'enfant.

18. Dans les affaires civiles visant à attribuer la garde de l'enfant, celui-ci ne bénéficie pas d'un droit automatique d'être entendu. Bien que les tribunaux civils puissent entendre l'enfant à la discrétion du président du tribunal, l'enfant n'est quasiment jamais entendu.

19. Lorsque des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés de sévices, les tribunaux civils ne sont pas supposés prendre de décisions quant à la garde ou aux droits de visite jusqu'à ce que la procédure pénale soit menée à son terme. Dans la pratique, toutefois, cette disposition n'est pas respectée, ce qui donne lieu à une situation où l'enfant est obligé de rester, souvent sans surveillance, avec une personne faisant l'objet d'une enquête pénale pour des sévices infligés à ce même enfant.

Recommandations

20. Il convient de prendre des mesures pour instaurer avec les autorités de tous les autres principaux pays d'origine des enfants victimes de la traite les mêmes relations de coopération qu'avec les autorités roumaines.

21. Il convient de respecter l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui consacre le droit de l'enfant d'exprimer ses souhaits et son opinion et, notamment, «la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant». Le Rapporteur spécial comprend certes qu'il importe d'éviter une situation où un enfant est obligé de répéter plusieurs fois des allégations, mais il est encore plus important de prendre au sérieux et de croire un enfant qui parle de sévices.

22. Des enquêtes complètes et impartiales doivent être menées contre les auteurs présumés de sévices, en particulier lorsque les expertises médicales, les évaluations des psychologues et les rapports des travailleurs sociaux prouvent le bien-fondé des allégations de sévices sexuels.

23. Le Gouvernement français devrait officiellement remettre le CD-ROM «Zandvoort» à Interpol aux fins d'examen et de confirmation de l'âge des photos qui y sont contenues.

24. Étant donné le nombre de cas laissant apparaître un grave déni de justice pour les enfants victimes de sévices sexuels et les personnes qui tentent de les protéger, il serait bon qu'un organe indépendant, de préférence la Commission nationale consultative des droits de l'homme, mène de toute urgence une enquête sur la situation actuelle.

25. Les services de la Défenseure des enfants devraient être dotés de moyens humains et matériels suffisants, qui leur permettront de recevoir des plaintes et de mener des enquêtes lorsqu'il y a des signes d'un déni de justice concernant les droits de l'enfant.

26. Le système judiciaire devrait se voir allouer des ressources suffisantes pour être en mesure de dispenser une formation en matière de droits de l'enfant et de suivre convenablement les affaires s'y rapportant.

27. Lorsque des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés de sévices, les tribunaux civils ne doivent pas statuer sur la garde ou les droits de visite tant que la procédure pénale n'a pas été menée à son terme. Dans l'intervalle, l'auteur présumé des sévices ne devrait avoir accès à l'enfant que sous une supervision constante.

28. Le Conseil de l'ordre des médecins français doit de toute urgence revoir ses procédures, de façon à soutenir, au lieu de les condamner, les médecins qui font part de leurs soupçons de sévices à enfant.